Mais justement revenons-y, à nos chasseurs-cueilleurs, ou bien nos cueilleurs-chasseurs…parce que déjà là, la question se pose. Certains estiment que la consommation de protéines était réduite chez nos ancêtres, d’autres pensent au contraire que les protéines constituaient l’essentiel de leur alimentation. Selon son point de vue (autrement dit selon le régime en lequel on adhère, ou au pire, en lequel on croit), on affirme, on réfute, on oriente. De fait, les idéologies brouillent encore trop les débats, et les rapports scientifiques abondent d’un côté comme de l’autre. Ce n’est donc pas ici que je trancherai.
Ici, c’est de cueillette que j’ai envie de vous parler.
Ortie, plantain, pissenlit, nombril de Vénus, ronces…des noms familiers pour quiconque a un tant soit peu arpenté nos beaux chemins de campagne. Mais si la vague du « retour au naturel » a fait ressurgir chez certains l’homme ou la femme des bois qui sommeille en chacun, ou tout simplement conquis les papilles des gourmands et curieux, la cueillette de plantes sauvages reste une pratique confidentielle.
A cela, deux raisons : la première est la méconnaissance de la flore qui compose nos espaces naturels proches, la seconde est la disparition de pratiques simples et saines qui consistaient à se nourrir de ce que nous trouvions dans notre environnement proche. Bien sûr, on cueille encore les mûres, on ramasse les asperges, et parfois on s’aventure à goûter à quelques pommes sauvages. Mais de manière générale, on trouve l’essentiel de notre nourriture dans les rayons du primeur du coin, ou pour les plus chanceux, dans leur potager. Pour une grande partie de la population, c’est sous les enseignes de grande distribution que l’on se ravitaille. En cédant notre alimentation aux mains de groupes privés qui ont transformé nos nourritures en toute légalité et avec les encouragements du plus grand nombre, nous avons également accepté de fréquenter ces grands magasins, revendeurs de quantités de produits hyper emballés, prêts à consommer, et prêts à nous rendre malades. La grossière erreur, toujours tristement d’actualité, est de considérer que ce rituel qui consiste à prendre sa voiture, trouver une place sur des parkings géants, déambuler dans des rayons aux néons pathétiques, et faire rouler ses courses sur un tapis automatique, c’est pratique ! Je crois qu’on s’est fourrés le doigt dans l’œil (enfin nos parents et nos grand-parents). La faute au progrès, la faute à l’émancipation féminine, la faute aux Trente Glorieuses et à la consommation de masse…La faute à…la liste est longue mais qu’importe…
Aujourd’hui des propositions contraires existent et prennent de plus en plus de force, et de sens. Elles ne sont pas nouvelles. Quelques irréductibles ont gardé leur bon sens et n’ont pas cédé au diktat du chariot. Certains n’ont jamais cessé de prélever dans la nature quelques victuailles, pour agrémenter leurs plats ou pour se soigner.
Attention, l’invitation n’est pas d’aller piller aveuglément les plantes comestibles de nos forêts et chemins, mais de retrouver un sens à le faire, d’oser le faire, avec intelligence.
Pour franchir ce pas, il faut commencer simplement, avec des plantes communes facilement reconnaissables et ne présentant pas de risques. Quatre d’entre elles me semblent faciles d’accès, en plus d’être délicieuses.
Des dizaines de recettes existent pour déguster ces plantes sous toutes leurs formes, mais c’est crues, et en salade, qu’elles sont les meilleures (au goût, et pour notre santé !)
Ma préférée : le pissenlit
Racines, jeunes feuilles, boutons ou fleurs, le pissenlit tout entier se consomme, et beaucoup de ses parties sont un pur délice.
Avant même de l’avoir goûtée, j’affectionnais cette fleur. Tellement commune. Belle comme mille soleils. Humble, mais fière.
Et puis, le pissenlit c’est la fleur de l’enfance, du jeu. Qui n’a pas essayé de frotter un pissenlit sur sa peau pour vérifier si l’on devenait jaune ? Qui n’a pas rassemblé ces fleurs en un bouquet aussitôt rabougri tellement le pissenlit tolère mal d’être coupé de sa terre?
Ne disait-on pas : « si tu touches un pissenlit, tu feras pipi au lit », ce qui donnait lieu à de belles batailles fleuries. En réalité, il en aurait fallu un peu plus que le toucher. Mais il y a une réalité derrière ces paroles d’enfants, ce sont les vertus diurétiques du pissenlit.